Dépôt de garantie est-il encaissé : règles, délais et litiges fréquents lors d’une location en copropriété

Dépôt de garantie est-il encaissé : règles, délais et litiges fréquents lors d’une location en copropriété

L’un des sujets qui fâchent le plus entre bailleurs et locataires, y compris en copropriété, c’est le dépôt de garantie. Est-il forcément encaissé ? Quand doit-il être restitué ? Que peut-on réellement retenir dessus ? Et surtout, quels sont les pièges fréquents dans un immeuble en copropriété (charges, parties communes, règlement non respecté, etc.) ?

En tant que membre de conseil syndical, on se retrouve souvent à devoir « démêler » ces questions, alors qu’elles ne relèvent pas directement de la copropriété, mais ont des conséquences sur la bonne gestion de l’immeuble. Mieux vaut donc maîtriser les règles pour éviter les conflits inutiles dans la cage d’escalier…

Dépôt de garantie : rappel des bases légales

Le dépôt de garantie est une somme versée par le locataire au moment de la signature du bail, pour garantir l’exécution de ses obligations : paiement des loyers, charges, réparation des dégradations, etc.

Dans le cadre d’une location d’un logement vide (soumise à la loi du 6 juillet 1989) :

  • Le montant maximal est de un mois de loyer hors charges.
  • Le dépôt de garantie est facultatif, mais dans les faits, quasi systématique.
  • Il doit être prévu dans le contrat de bail.

Pour un logement meublé, le dépôt de garantie peut aller jusqu’à deux mois de loyer hors charges.

De nombreux litiges naissent simplement parce que les bases ne sont pas respectées : dépôt trop élevé, absence de mention dans le bail, confusion entre dépôt de garantie et autres sommes (caution, provision pour charges, etc.). En copropriété, cela se complique encore avec la gestion des charges et des dégâts sur les parties communes.

Le dépôt de garantie doit-il être encaissé ?

La réponse est claire : oui, le dépôt de garantie peut (et doit) être encaissé par le bailleur. Rien dans la loi n’interdit son encaissement, au contraire.

Pour être précis :

  • Le dépôt de garantie est une somme d’argent réelle, pas un chèque « en attente ».
  • Le bailleur est en droit de l’encaisser immédiatement après sa remise.
  • Le locataire doit donc prévoir la provision nécessaire sur son compte.

Certains bailleurs laissent croire au locataire qu’ils ne l’encaisseront pas, « sauf problème ». Mauvaise idée : en cas de contestation, le bailleur pourrait se retrouver sans aucune garantie, et le locataire pourrait soutenir qu’il ne s’agissait pas d’un véritable dépôt de garantie.

En cas de bail signé dans une copropriété, le conseil syndical n’intervient pas sur ce point, mais la situation financière du bailleur peut avoir une conséquence indirecte : un propriétaire fragilisé financièrement va parfois chercher à compenser en retenant abusivement une partie du dépôt de garantie. Et là, les ennuis commencent.

Où et comment le dépôt de garantie doit-il être conservé ?

Contrairement à d’autres régimes (comme certains pays où le dépôt doit être placé sur un compte séquestre), en France :

  • Le bailleur peut conserver le dépôt de garantie sur son compte personnel ou professionnel.
  • Il n’a pas d’obligation de le placer sur un compte spécifique ou bloqué.
  • Le dépôt de garantie ne produit pas d’intérêts au bénéfice du locataire, sauf rare clause contractuelle particulière.

Petite subtilité : pour les baux antérieurs à 2014, certains dépôts pouvaient produire des intérêts à restituer, mais dans la pratique, on rencontre de moins en moins ces situations.

En copropriété, le syndic n’a aucun rôle dans la gestion du dépôt de garantie, même si beaucoup de locataires confondent parfois syndic de copropriété et « régie immobilière » ou agence. Le dépôt reste une affaire entre bailleur et locataire.

Dépôt de garantie et état des lieux : le cœur du sujet

Le dépôt de garantie n’a de sens que par rapport à l’état des lieux. Sans état des lieux, il est très difficile pour un bailleur de justifier des retenues. C’est encore plus vrai dans un immeuble où les dégradations peuvent venir d’autres occupants, voire d’interventions dans les parties communes.

On distingue :

  • État des lieux d’entrée : décrit précisément l’état du logement à la remise des clés.
  • État des lieux de sortie : compare l’état du logement à la fin de la location.

En copropriété, il est fréquent que les tensions naissent parce que :

  • Des traces d’humidité apparaissent en cours de bail (infiltration provenant de la toiture ou de la façade).
  • Des dégâts sur les fenêtres ou volets sont liés à une problématique de façade ou de parties communes.
  • Un dégât des eaux dans l’appartement résulte en fait d’une fuite venant des parties communes (colonne montante, toiture, etc.).

Dans ces cas, le bailleur ne peut pas imputer au locataire des dégradations qui proviennent en réalité d’un défaut de la copropriété ou d’un sinistre géré par l’assurance de l’immeuble.

On voit encore trop de propriétaires tenter de retenir une partie du dépôt de garantie pour « compenser » des problèmes que le syndic n’a pas réglés. C’est illégal et voué au contentieux.

Que peut-on vraiment retenir sur le dépôt de garantie ?

La loi encadre strictement les retenues possibles. Le bailleur peut retenir des sommes pour :

  • Loyers et charges impayés au départ du locataire.
  • Réparations locatives et dégradations imputables au locataire (hors usure normale).
  • Remise en état en cas de manquements prouvés (ex : trous importants, portes cassées, vitrages brisés).
  • Régularisation des charges de copropriété, sous certaines conditions de délai (on y revient juste après).

En revanche, le dépôt de garantie ne doit pas servir à :

  • Financer des travaux d’amélioration (cuisine neuve, changement complet du sol par convenance, etc.).
  • Rattraper des dépenses d’entretien relevant du bailleur (ex : remplacement d’une chaudière en panne par vétusté).
  • Compenser une mauvaise anticipation des travaux de copropriété (ravalement de façade, changement de chaudière collective, etc.).

En pratique, pour les réparations locatives, il est prudent d’appuyer les retenues sur :

  • Des photos datées (entrée et sortie).
  • Un devis ou une facture détaillée.
  • Une référence au décret sur les réparations locatives (qui liste ce qui relève du locataire).

En copropriété, la confusion la plus fréquente concerne les charges récupérables : ce que le bailleur peut récupérer sur le locataire (eau froide, entretien de l’ascenseur, minuterie, chauffage collectif, etc.), et ce qui reste à la charge du propriétaire (fonds travaux, honoraires du syndic non récupérables, gros travaux…).

Délais de restitution du dépôt de garantie : avec et sans copropriété

Les délais sont clairement définis par la loi :

  • 1 mois maximum si l’état des lieux de sortie est conforme à celui d’entrée (hors usure normale).
  • 2 mois maximum si des différences sont constatées et justifient des retenues.

Ce délai court à compter de la date de restitution des clés par le locataire (et pas de la date du dernier loyer payé ou du départ effectif). En copropriété, aucun délai spécifique n’est prévu, mais il existe un point crucial : la régularisation des charges de copropriété.

Régularisation des charges de copropriété et dépôt de garantie

Dans les immeubles en copropriété, les charges sont souvent régularisées une fois par an, après approbation des comptes. Cela crée un décalage entre :

  • Ce que le locataire a versé chaque mois au titre de provision pour charges.
  • Les charges réelles présentées par le syndic dans l’arrêté annuel des comptes.

La loi autorise le bailleur à retenir une partie du dépôt de garantie pour cette régularisation, mais de manière encadrée :

  • Le bailleur peut retenir au maximum 20 % du montant du dépôt de garantie, en attendant la régularisation définitive des charges par la copropriété.
  • Une fois les comptes approuvés, il doit faire la régularisation avec le locataire sortant, puis restituer le solde (ou demander un complément si les charges réelles dépassent le total des provisions versées).

Exemple concret :

  • Dépôt de garantie : 800 €.
  • Le bailleur restitue 640 € immédiatement (80 %), et conserve 160 € en attente de la régularisation annuelle.
  • Quand les comptes sont approuvés, il calcule la différence entre provisions versées et charges réelles, en se basant sur la grille de répartition des charges récupérables.

Attention : cette retenue de 20 % n’est pas automatique. Elle doit être justifiée par la nécessité réelle de régulariser des provisions sur charges. Retenir 20 % « par principe » sans aucun calcul ni explication expose le bailleur à une contestation.

Les litiges fréquents en copropriété autour du dépôt de garantie

En pratique, voici les cas que l’on rencontre le plus souvent dans les immeubles en copropriété.

1. Dégradations dans les parties communes

Un locataire a abîmé la porte d’entrée, la cabine d’ascenseur, ou laissé des traces lors d’un déménagement. Le syndic refacture à la copropriété, qui se tourne parfois vers le propriétaire concerné, surtout si l’auteur est clairement identifié.

Peut-on retenir ces frais sur le dépôt de garantie du locataire ? Oui, à condition :

  • Que l’imputabilité soit clairement établie (caméra, témoignages, constat…).
  • Que le bailleur dispose d’une facture ou d’un décompte précis transmis par le syndic.
  • Que la retenue soit proportionnée et justifiée.

Sans preuve sérieuse, le litige est presque assuré.

2. Nuisances répétées et non-respect du règlement de copropriété

Le locataire a multiplié les nuisances : bruit, stockage d’objets dans les couloirs, non-respect des poubelles, etc. Le conseil syndical et le syndic ont multiplié les rappels, voire des mises en demeure.

Le bailleur peut-il retenir une partie du dépôt de garantie pour « punir » ce comportement ? Non, sauf s’il peut démontrer :

  • Un préjudice financier réel (ex : des pénalités facturées, des frais supplémentaires pour remise en état, un nettoyage spécial facturé par une entreprise).
  • Et que ce préjudice est directement lié au comportement du locataire.

La sanction des comportements inciviques ne passe pas par le dépôt de garantie, mais par des procédures juridiques (mise en demeure, résiliation de bail, action du syndicat des copropriétaires contre le bailleur négligent, etc.).

3. Conflit entre bailleur et syndic, mais locataire pris en otage

On voit parfois des situations où le syndic facture au propriétaire des frais qu’il conteste (fuites, réparations, sinistres mal gérés). Pour se « rembourser », ce dernier va retenir abusivement une partie du dépôt de garantie, en prétendant que les dégâts viendraient du locataire.

En tant que conseil syndical, il est utile de rappeler aux copropriétaires que :

  • Les litiges avec le syndic se règlent entre copropriétaire et syndicat, devant l’assemblée générale ou le juge si nécessaire.
  • Le locataire ne doit pas servir de variable d’ajustement.

Comment limiter les litiges en amont ?

Quelques bonnes pratiques simples permettent d’éviter la plupart des conflits autour du dépôt de garantie dans un immeuble en copropriété.

Pour le bailleur :

  • Faire un état des lieux détaillé et contradictoire, idéalement avec photos jointes au document.
  • Remettre au locataire un exemplaire du règlement de copropriété ou au minimum l’extrait concernant la jouissance des parties communes et les règles de vie.
  • Expliquer clairement la nature des charges récupérables et le mécanisme de régularisation annuelle.
  • Garder la trace des courriers du syndic relatifs au comportement du locataire (en cas de besoin de preuve).

Pour le locataire :

  • Lire attentivement le bail et l’état des lieux, faire ajouter toute mention manquante (tache, défaut, usure).
  • Signaler rapidement par écrit (mail ou LRAR) les problèmes relevant de la copropriété : infiltrations, pannes récurrentes, fuites, etc.
  • Demander des justificatifs précis en cas de retenue sur le dépôt (factures, décomptes de charges, photos).

Pour le conseil syndical :

  • Encourager les copropriétaires-bailleurs à communiquer clairement avec leurs locataires sur les règles de l’immeuble.
  • Veiller à ce que les charges récupérables soient correctement identifiées par le syndic.
  • Intervenir en médiation informelle avant que les conflits ne dégénèrent en procédure.

Que faire en cas de retenue abusive ou de non-restitution ?

Malgré toutes les précautions, il arrive qu’un dépôt de garantie ne soit pas restitué dans les délais, ou soit amputé de sommes manifestement injustifiées.

Le locataire peut alors :

  • Adresser une mise en demeure par lettre recommandée avec AR, rappelant la date de remise des clés, les délais légaux et les sommes dues.
  • En l’absence de réponse ou en cas de désaccord persistant, saisir le juge des contentieux de la protection (ancien tribunal d’instance), sans avocat obligatoire pour les montants modestes.
  • Demander au juge la restitution des sommes indûment retenues, éventuellement majorées d’intérêts de retard.

Pour le bailleur, une retenue injustifiée peut se retourner contre lui, surtout si le juge estime que la mauvaise foi est manifeste. Dans un contexte de copropriété, cela peut aussi nuire à sa réputation dans l’immeuble, ce qui n’est jamais bon lorsqu’on loue régulièrement.

En résumé, le dépôt de garantie n’est ni une cagnotte pour le bailleur, ni une simple formalité pour le locataire. C’est un outil encadré, avec des règles précises, qui prend une dimension particulière en copropriété : charges collectives, parties communes, règlement à respecter. Une bonne compréhension de ces mécanismes, par les bailleurs, les locataires et les membres du conseil syndical, permet d’éviter bien des litiges et de préserver un climat serein dans l’immeuble.