Pré état daté gratuit : est-ce vraiment possible et comment maîtriser les coûts lors de la vente d’un lot de copropriété

Pré état daté gratuit : est-ce vraiment possible et comment maîtriser les coûts lors de la vente d’un lot de copropriété

Lorsqu’on vend un lot de copropriété, la facture de « papiers » a tendance à grimper vite : état daté, frais de mutation, copie de règlement, mainlevée d’hypothèque… Et au milieu de tout ça, un document fait régulièrement grincer des dents : le fameux pré état daté, parfois facturé 200 € ou plus.

Face à ces montants, une question revient souvent : peut-on obtenir un pré état daté gratuit ? Et plus largement, comment éviter que les frais liés à la vente ne deviennent un impôt privé au profit du syndic ?

C’est précisément ce que nous allons voir, avec une approche pragmatique : textes applicables, marges de manœuvre réelles, et bonnes pratiques pour le conseil syndical et les copropriétaires vendeurs.

Pré état daté, état daté : bien distinguer les deux

Avant de parler gratuité, il faut déjà savoir de quoi on parle.

En pratique, on mélange souvent « pré état daté » et « état daté », alors qu’il s’agit de deux documents différents, avec des régimes juridiques distincts.

L’état daté :

  • est un document obligatoire pour la signature de l’acte authentique de vente,
  • est établi par le syndic uniquement,
  • présente la situation financière du lot et du copropriétaire vis-à-vis du syndicat,
  • est légalement plafonné en termes de coût (380 € TTC maximum).

Le cadre légal est très précis : l’état daté est prévu par l’article 5 du décret du 17 mars 1967 et son tarif est plafonné par le décret n°2020-153 du 21 février 2020. Le syndic ne peut pas dépasser ce montant, ni inventer des « compléments » d’état daté facturés à part.

Le pré état daté, lui :

  • est un document demandé en amont de la vente, souvent au moment de la promesse ou du compromis,
  • contient un certain nombre d’informations financières et techniques sur la copropriété,
  • n’est pas expressément nommé dans les textes,
  • et surtout : n’est pas réservé au syndic.

Depuis la loi ALUR, le vendeur doit fournir à l’acquéreur un ensemble d’informations sur la copropriété (article L. 721-2 du Code de la construction et de l’habitation). Ces informations sont souvent regroupées par les professionnels (notaires, agences, syndics) sous l’étiquette « pré état daté »… mais ce nom n’apparaît pas dans la loi.

C’est cette absence de définition légale qui ouvre la porte à des pratiques très variées, y compris sur la tarification.

Pré état daté gratuit : mythe ou réalité ?

Sur le plan juridique, la réponse est très claire : aucun texte n’impose au syndic de réaliser le pré état daté, ni ne définit un tarif maximal pour cette prestation.

Conséquence directe :

  • Le syndic peut refuser de l’établir.
  • S’il accepte de le faire, il peut en fixer librement le prix, à condition que ce prix figure au contrat de syndic voté en assemblée générale dans la rubrique des prestations particulières.

Est-ce pour autant impossible d’obtenir un pré état daté gratuit ? Non. Dans la pratique, trois cas de figure existent :

  • Copropriétés avec syndic bénévole ou en syndic coopératif : le pré état daté est souvent établi gratuitement par le président du conseil syndical ou le syndic bénévole, à partir des documents dont ils disposent déjà.
  • Copropriétés gérées par un syndic professionnel raisonnable : certains incluent la préparation du pré état daté dans le forfait de base, sans surcoût, notamment lorsque l’accès à l’extranet permet déjà de réunir les pièces.
  • Copropriétés avec syndic peu scrupuleux : le pré état daté est facturé cher (150, 250, voire 300 €), alors même qu’aucun plafond légal ne s’applique.

Autrement dit, un pré état daté gratuit est possible, mais ce n’est pas une obligation pour le syndic. La clé se situe donc en amont : dans la négociation et le contrôle du contrat de syndic par le conseil syndical.

Peut-on exiger du syndic qu’il établisse un pré état daté gratuit ?

Non, vous ne pouvez pas « exiger » un pré état daté gratuit sur le fondement de la loi, car :

  • le pré état daté n’est pas une prestation imposée au syndic par un texte précis,
  • lorsque le syndic le propose, il s’agit d’une prestation particulière et non d’une mission incluse d’office dans son forfait de base,
  • son tarif ne fait l’objet d’aucun plafond légal, à la différence de l’état daté.

En revanche, vous disposez de plusieurs leviers :

  • vérifier si la prestation « pré état daté » figure bien dans le contrat de syndic voté en AG, avec un tarif clair,
  • refuser toute facturation fondée sur une prestation non prévue au contrat,
  • négocier, avant le renouvellement de mandat, une intégration gratuite
  • mettre en concurrence plusieurs syndics en demandant expressément leurs tarifs de « pré état daté ».

Dans certaines copropriétés suivies sur ce blog, le simple fait que le conseil syndical contacte les candidats syndics en indiquant : « Nous refusons toute facturation de pré état daté, cette prestation doit être incluse dans votre forfait » a suffi à faire disparaître cette ligne chez 2 ou 3 concurrents… et a mis le syndic en place face à ses responsabilités.

Message sous-jacent : si la copropriété accepte sans broncher des frais annexes, le syndic n’a aucune raison de se priver. À l’inverse, si le conseil syndical est vigilant, les dérives ont tendance à diminuer rapidement.

Comment obtenir un pré état daté sans passer par le syndic ?

C’est là que les choses deviennent intéressantes. Rappelons un point fondamental : rien n’impose que le pré état daté soit établi par le syndic. La loi impose seulement que certaines informations soient communiquées au futur acquéreur.

En pratique, une grande partie des informations exigées par la loi ALUR sont déjà disponibles :

  • sur l’extranet copropriété (obligatoire dans la plupart des copropriétés),
  • dans les PV d’assemblées générales,
  • dans le règlement de copropriété et l’état descriptif de division,
  • dans le carnet d’entretien et les diagnostics techniques.

Un vendeur motivé (ou un conseil syndical organisé) peut donc parfaitement rassembler ces éléments pour répondre aux exigences du notaire et de l’acquéreur, sans payer un « package pré état daté » au syndic.

Concrètement, que doit contenir ce fameux pré état daté ? Entre autres :

  • le montant des charges courantes du lot sur les dernières années,
  • le montant des éventuels appels de fonds exceptionnels votés et non encore appelés,
  • l’état des impayés de charges au sein de la copropriété,
  • le montant du fonds de travaux (article 14-2 de la loi de 1965),
  • les éventuelles procédures en cours (sinistre important, procédure contre le promoteur, etc.).

Tout cela est normalement accessible :

  • dans les annexes comptables jointes à la convocation d’AG,
  • dans les comptes annuels approuvés,
  • auprès du conseil syndical qui a accès à la comptabilité.

Dans une copropriété de 40 lots à Toulouse, par exemple, les vendeurs ont pris l’habitude de préparer eux-mêmes un dossier « pré état daté » standardisé, sur la base d’un modèle fourni par le conseil syndical. Résultat :

  • aucune facturation de pré état daté par le syndic,
  • des notaires satisfaits car les informations sont claires et complètes,
  • des ventes fluides et des copropriétaires vendeurs qui économisent 150 à 200 € à chaque transaction.

Bien sûr, cela suppose un minimum d’organisation collective, mais une fois le modèle en place, la mécanique est simple à reproduire.

Quels sont vraiment les frais légaux lors de la vente d’un lot ?

Pour maîtriser les coûts, il faut connaître précisément ce que le syndic a le droit de facturer et ce qui relève de la pure créativité commerciale.

Lors de la vente d’un lot, les frais suivants peuvent légalement être facturés par le syndic au copropriétaire vendeur :

  • l’état daté : obligatoire, plafonné à 380 € TTC,
  • les frais d’opposition (article 20 de la loi de 1965) si le syndic est amené à faire opposition au versement du prix de vente en cas de charges impayées, plafonnés à 380 € TTC,
  • les frais de délivrance de documents (copie du règlement de copropriété, des PV d’AG, etc.), mais uniquement si ces frais sont prévus au contrat de syndic et s’ils correspondent à de véritables prestations (et non à un simple téléchargement de PDF déjà disponible).

En revanche, vous pouvez légitimement contester, ou au minimum interroger, des lignes de type :

  • « Frais de suivi de dossier de vente » non prévus au contrat,
  • « Frais de réponse au notaire » alors que cette réponse relève de la gestion courante de la copropriété,
  • « Frais d’actualisation de l’état daté » facturés comme une nouvelle prestation complète.

Le conseil syndical a tout intérêt à demander une liste détaillée des frais facturés lors des ventes, au moins une fois par an, pour vérifier leur conformité au contrat et à la loi.

Le rôle stratégique du conseil syndical

Si vous êtes membre d’un conseil syndical, vous pouvez réellement faire bouger les lignes sur ce sujet. Quelques pistes concrètes :

  • Demander systématiquement le détail du contrat : vérifier la rubrique « prestations particulières » et repérer les lignes relatives au pré état daté, aux mutations, aux documents.
  • Négocier la suppression de la ligne « pré état daté » ou son intégration dans le forfait de base, en expliquant que la copropriété refusera de valider un contrat comportant ce type de frais.
  • Mettre en concurrence : lors d’un appel d’offres, faites envoyer aux candidats un questionnaire où figure clairement la question : « Facturez-vous le pré état daté ? Si oui, à quel tarif ? ».
  • Informer les copropriétaires vendeurs : diffuser une fiche pratique expliquant la différence entre pré état daté et état daté, les plafonds légaux, et la possibilité de préparer soi-même les informations ALUR.
  • Standardiser un modèle de « dossier de vente » préparé par ou avec le conseil syndical, réutilisable par tous les vendeurs.

Dans une copropriété de 60 lots en région parisienne, le conseil syndical a obtenu, lors du renouvellement de contrat, la suppression pure et simple de la ligne « pré état daté : 180 € TTC ». Argumentaire : « L’accès à l’extranet permet déjà de télécharger tous les documents, et la préparation des informations ALUR fait partie de la vie normale de la copropriété. » Le syndic concurrent qui avait accepté cette demande a été retenu. Depuis, plus aucun pré état daté facturé.

Conseils pratiques pour le copropriétaire qui vend

Si vous êtes en phase de vente de votre lot, voici une feuille de route simple pour ne pas exploser votre budget de frais annexes :

  • Anticipez : dès que vous envisagez de vendre, prévenez le conseil syndical. Il pourra vous aider à réunir les documents et à décrypter les devis du syndic ou de l’agence.
  • Vérifiez le contrat de syndic : demandez une copie au conseil syndical ou téléchargez-la via l’extranet. Regardez si la prestation « pré état daté » est mentionnée, et à quel tarif.
  • Demandez toujours un devis écrit au syndic avant de lui confier la réalisation d’un pré état daté. Vous éviterez les mauvaises surprises au moment de la facture.
  • Utilisez l’extranet : téléchargez vous-même les PV d’AG, le règlement de copropriété, le carnet d’entretien. Fournissez-les au notaire et à l’acquéreur.
  • Négociez avec votre notaire : beaucoup de notaires sont désormais habitués à travailler avec des vendeurs qui préparent eux-mêmes les informations ALUR. Discutez avec lui de ce qu’il attend précisément.
  • Contestez les frais injustifiés : si le syndic facture une prestation non prévue au contrat ou manifestement disproportionnée, signalez-le au conseil syndical et n’hésitez pas à contester par écrit.

La vente d’un lot est déjà suffisamment chargée en frais (agence, diagnostics, notaire, fiscalité…). Payer 200 ou 300 € juste pour un document dont une grande partie des informations est déjà disponible gratuitement n’a rien d’une fatalité.

En résumé : gratuité, non, mais marge de manœuvre, oui

Personne ne fera apparaître par magie un droit au pré état daté gratuit dans la loi. Le cadre actuel est ce qu’il est :

  • le pré état daté n’est pas un document légalement défini,
  • le syndic n’est pas obligé de le fournir,
  • si le syndic le fournit, il peut le facturer, sans plafond légal, à condition que ce soit prévu au contrat.

En revanche, la pratique montre que :

  • un pré état daté gratuit est parfaitement possible dans les copropriétés bien organisées (syndic bénévole, syndic coopératif, conseil syndical actif),
  • la plupart des éléments demandés sont accessibles sans frais via l’extranet et les documents remis chaque année,
  • le conseil syndical a un pouvoir réel pour encadrer, voire supprimer cette facturation.

Au final, la maîtrise des coûts lors de la vente d’un lot de copropriété repose moins sur un hypothétique « droit à la gratuité » que sur un travail de fond :

  • contrôler les contrats de syndic,
  • mettre en concurrence,
  • former les copropriétaires vendeurs à leurs obligations et à leurs droits,
  • et organiser la circulation de l’information au sein de la copropriété.

Avec ces quelques réflexes, le « pré état daté » cesse d’être une ligne opaque et coûteuse pour devenir ce qu’il aurait toujours dû être : un simple outil d’information au service de la transparence dans la vente, et non une rente supplémentaire pour le gestionnaire.