Entre ce que le syndic « doit faire », ce qu’il « devrait faire » et ce qu’il fait réellement… il y a parfois un fossé. Et c’est souvent lorsque les problèmes arrivent (impayés, fuites récurrentes, travaux mal gérés) que les copropriétaires se demandent : mais au fait, qu’est-ce qui est réellement obligatoire pour un syndic ?
Si vous siégez au conseil syndical – ou que vous envisagez de le faire – connaître les obligations légales du syndic est indispensable pour contrôler sa gestion, le challenger intelligemment et, le cas échéant, le remettre dans les clous.
Dans cet article, on fait le tri entre :
- Ce que la loi impose clairement au syndic ;
- Ce qui relève de la bonne pratique mais n’est pas obligatoire ;
- Les points concrets que vous pouvez vérifier facilement en tant que copropriétaire ou membre du conseil syndical.
Le cadre légal : sur quoi s’appuyer pour contrôler votre syndic ?
Avant de reprocher à votre syndic de ne pas faire son travail, il faut savoir sur quelle base juridique vous vous appuyez. Les obligations du syndic découlent principalement :
- De la loi du 10 juillet 1965 ;
- Du décret du 17 mars 1967 ;
- Du contrat type de syndic (décret du 26 mars 2015) ;
- Du règlement de copropriété et des décisions d’assemblée générale.
Concrètement, cela signifie que :
- La loi fixe les grandes missions obligatoires (administration, comptabilité, AG, conservation de l’immeuble, etc.) ;
- Le contrat de syndic précise ce qui est compris dans le forfait et ce qui est facturé en plus ;
- L’AG peut confier au syndic des missions supplémentaires (suivi de gros travaux, par exemple).
Pour contrôler efficacement votre syndic, il est donc utile d’avoir sous la main :
- Une copie à jour du contrat de syndic signé ;
- Le règlement de copropriété ;
- Les derniers PV d’AG ;
- Les annexes comptables des derniers exercices.
Sans ces documents, difficile de trancher entre manquement réel et simple mécontentement.
Les actions administratives et juridiques que le syndic doit obligatoirement assurer
Le syndic est le représentant légal du syndicat des copropriétaires. À ce titre, certaines missions ne sont pas négociables.
Parmi les obligations clés :
- Exécuter les décisions d’assemblée générale : tout ce qui a été voté doit être mis en œuvre (travaux, changement de contrat, actions en justice…). Un syndic qui « oublie » systématiquement d’appliquer les résolutions votées pose un sérieux problème.
- Faire respecter le règlement de copropriété : nuisances, usage abusif des parties communes, travaux privatifs non conformes… Le syndic doit intervenir, rappeler les règles, voire engager des procédures si nécessaire.
- Représenter le syndicat en justice : impayés, litiges avec un fournisseur, recours contre un voisin… Le syndic agit au nom de la copropriété, après y avoir été autorisé par l’AG (sauf cas d’urgence ou de recouvrement d’impayés).
- Tenir à jour la liste des copropriétaires : avec leurs coordonnées et leurs tantièmes. C’est indispensable pour convoquer correctement, répartir les charges, suivre les mutations.
- Gérer les mutations (ventes) : délivrer les états datés, les certificats, informer le notaire des dettes éventuelles du vendeur… même si ces prestations donnent souvent lieu à des honoraires spécifiques.
Un conseil pratique : en conseil syndical, n’hésitez pas à garder un tableau de suivi des principales décisions votées en AG avec, en face, ce que le syndic a effectivement réalisé et à quelle date. Cela permet de repérer rapidement les blocages et d’en parler de manière factuelle.
La gestion comptable : ce que le syndic doit faire (et ce que vous devez vérifier)
Sur la comptabilité, les obligations du syndic sont nombreuses… et très encadrées.
Le syndic doit notamment :
- Tenir une comptabilité séparée pour chaque copropriété : interdiction absolue de mélanger les fonds de plusieurs immeubles.
- Tenir la comptabilité en partie double et par exercice, avec des documents normalisés (annexes comptables).
- Ouvrir un compte bancaire séparé au nom du syndicat (sauf petites copropriétés ayant expressément voté une dérogation).
- Établir le budget prévisionnel et le soumettre au vote de l’AG.
- Appeler les charges auprès des copropriétaires selon les échéances votées.
- Présenter les comptes annuels à l’AG, accompagnés des annexes obligatoires.
En tant que copropriétaire, certains points se contrôlent très simplement :
- Le relevé bancaire de la copropriété est-il disponible et transmis au conseil syndical ? Les soldes bancaires correspondent-ils aux soldes comptables ?
- Les appels de fonds sont-ils conformes au budget voté ?
- Les annexes comptables sont-elles complètes et cohérentes d’une année sur l’autre ?
- Les honoraires du syndic facturés correspondent-ils bien au contrat (forfait vs prestations particulières) ?
Autre obligation souvent méconnue : le syndic doit mettre à disposition un extranet (sauf copropriétés de moins de 10 lots avec vote contraire), permettant d’accéder à un certain nombre de documents (comptes, contrats, PV, etc.). Si l’extranet est vide ou inutilisable, ce n’est pas normal.
Assemblées générales : les obligations incontournables du syndic
Sans assemblée générale, pas de décisions. Le syndic a donc un rôle central dans l’organisation et le bon déroulement des AG.
Il doit obligatoirement :
- Convoquer au moins une AG par an, dans les six mois de la clôture de l’exercice comptable.
- Respecter les délais de convocation (au minimum 21 jours avant la date de l’AG).
- Mettre à l’ordre du jour les questions demandées par les copropriétaires (sous certaines conditions de forme et de délai).
- Joindre les documents obligatoires aux convocations (annexes comptables, projets de contrats, devis de travaux, projets de résolutions, etc.).
- Tenir la feuille de présence, vérifier les pouvoirs et les voix de chacun.
- Rédiger le procès-verbal et le notifier dans les délais, en particulier aux opposants et défaillants.
Un contrôle simple à opérer : comparez ce que vous avez demandé d’inscrire à l’ordre du jour (par écrit, avec un projet de résolution) et ce qui apparaît réellement dans la convocation. Si les demandes du conseil syndical sont régulièrement « oubliées », c’est un signal d’alerte.
De même, un PV d’AG brouillon, approximatif ou envoyé très tardivement est souvent le symptôme d’une gestion peu rigoureuse.
Conservation de l’immeuble, sécurité et entretien : ce qui est imposé au syndic
Le syndic est chargé de veiller à la conservation de l’immeuble. Ce n’est pas seulement une formule juridique : cela recouvre des obligations très concrètes.
Le syndic doit notamment :
- Passer et suivre les contrats d’entretien courants (ascenseur, chaudière, VMC, portes automatiques, nettoyage, dératisation, etc.), conformément aux décisions de l’AG.
- Veiller au respect des obligations réglementaires de sécurité : contrôles périodiques des ascenseurs, installations de gaz, électricité des parties communes, extincteurs, parkings, etc.
- Intervenir en cas d’urgence pour faire effectuer les travaux nécessaires à la sauvegarde de l’immeuble, même sans décision préalable de l’AG (infiltrations graves, risques structurels, panne critique d’ascenseur, etc.).
- Mettre en œuvre les travaux décidés en AG : choix du maître d’œuvre (si voté), suivi de chantier, réception, levée des réserves… ou s’assurer que les professionnels mandatés le font correctement.
En pratique, un bon indicateur est la manière dont le syndic gère les petits incidents du quotidien : pannes récurrentes, fuites dans les parties communes, vandalisme, ampoules non remplacées pendant des semaines… Cela ne relève pas du « luxe » de gestion, mais bien de son obligation de conserver l’immeuble en bon état.
Pour le conseil syndical, il est utile de :
- Demander régulièrement la liste des contrats en cours (fournisseurs, délais, coûts, dates d’échéance).
- Suivre, via un tableau simple, les incidents et interventions (date de signalement, date d’intervention, coût, satisfaction).
Assurances, sinistres et responsabilité : mission impérative du syndic
Le syndicat des copropriétaires a l’obligation d’être assuré pour sa responsabilité civile. Le syndic doit donc :
- Souscrire les polices d’assurance nécessaires (au minimum, responsabilité civile, souvent multirisque immeuble), après décision de l’AG sur le choix de l’assureur.
- Déclarer les sinistres aux assurances dans les délais légaux.
- Suivre les dossiers de sinistre jusqu’à leur règlement (expertises, réparations, indemnisations).
Si les sinistres traînent pendant des mois sans nouvelle, si vous n’avez aucun retour sur les déclarations ou si des dégâts restent non réparés longtemps après un événement, il est utile d’interroger précisément le syndic sur :
- Les dates de déclaration aux assurances ;
- Les réponses reçues ;
- Les courriers échangés ;
- Les devis transmis et validés.
Un suivi rigoureux des sinistres est non seulement une obligation, mais aussi un enjeu financier majeur pour la copropriété (franchises, aggravation des primes en cas de sinistralité élevée, refus d’indemnisation en cas de retard…).
Archives, documents et information des copropriétaires
Un syndic qui « perd » les documents ou ne les communique jamais, ce n’est pas seulement agaçant : c’est contraire à ses obligations.
Il doit en particulier :
- Tenir et conserver les archives de la copropriété (plans, contrats, PV, diagnostics, dossiers techniques, correspondances importantes, etc.).
- Mettre à disposition de tout copropriétaire, qui en fait la demande, les pièces justificatives de charges avant l’AG appelée à approuver les comptes.
- Mettre à jour et conserver le carnet d’entretien de l’immeuble.
- Tenir à jour l’immatriculation de la copropriété au registre national.
Sur ce point, le conseil syndical a un levier important :
- Il dispose d’un droit d’accès élargi à de nombreux documents (contrats, pièces comptables, correspondances importantes).
- Il peut demander formellement la transmission régulière de certains éléments (tableau de bord, relevés bancaires, état des impayés, suivi des travaux).
Si obtenir le moindre document devient un parcours du combattant, c’est généralement le signe d’une gestion peu transparente… ou d’un manque de rigueur préoccupant.
Ce que le syndic n’est pas obligé de faire (et que beaucoup de copropriétaires lui reprochent à tort)
À l’inverse, de nombreux mécontentements portent sur des points qui ne sont pas, à proprement parler, des obligations légales du syndic, mais plutôt des attentes de confort ou de « sur-mesure ».
Par exemple, le syndic n’est pas tenu de :
- Répondre instantanément à tous les emails et appels téléphoniques ;
- Se déplacer à la moindre broutille dans l’immeuble ;
- Faire du « coaching » juridique personnalisé pour chaque copropriétaire ;
- Passer des heures en rendez-vous individuels non prévus au contrat ;
- Organiser des visites de l’immeuble sur simple demande, sans accord préalable de l’AG ou du conseil syndical.
Cela ne signifie pas qu’un bon syndic ne doit pas être disponible et réactif, mais qu’il faut distinguer :
- Les obligations légales et contractuelles (qu’il faut exiger et contrôler) ;
- La qualité de service (qu’on peut chercher à améliorer via la concurrence, la renégociation du contrat, ou en changeant de syndic).
Cette distinction permet d’éviter de se disperser sur des détails « de confort » et de se concentrer sur les points réellement essentiels.
Check-list pratique : comment contrôler la gestion de votre syndic ?
Pour vous aider à passer de la théorie à la pratique, voici une check-list que le conseil syndical peut utiliser au moins une fois par an.
- Comptes et finances
Vérifier :- Existence d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat ;
- Transmissions régulières des relevés et de l’état des impayés ;
- Cohérence entre budget voté et appels de fonds ;
- Conformité des honoraires facturés avec le contrat de syndic.
- Assemblées générales
Contrôler :- Tenue d’une AG au moins une fois par an ;
- Respect des délais de convocation ;
- Prise en compte des demandes d’inscription à l’ordre du jour ;
- Notification des PV dans les délais.
- Entretien et sécurité
Examiner :- Liste à jour des contrats d’entretien ;
- Suivi des contrôles obligatoires (ascenseur, gaz, électricité, etc.) ;
- Réactivité en cas d’incident ou d’urgence.
- Assurances et sinistres
Observer :- Existence d’une police d’assurance adaptée ;
- Déclarations des sinistres dans les délais ;
- Suivi des dossiers jusqu’à indemnisation.
- Transparence et documents
Vérifier :- Accès réel et utile à l’extranet ;
- Mise à jour du carnet d’entretien ;
- Facilité d’accès aux pièces justificatives de charges ;
- Immatriculation de la copropriété à jour.
En passant en revue ces points une fois par an, vous aurez rapidement une vision claire : syndic sérieux mais débordé, syndic négligent, ou syndic franchement défaillant.
Que faire en cas de manquements du syndic ?
Constater des manquements, c’est une chose. Savoir comment réagir, c’en est une autre. Plusieurs leviers existent, à utiliser de manière progressive et argumentée.
- Commencer par la voie amiable
Écrire au syndic (de préférence par courrier recommandé pour les points sérieux), en listant :- Les obligations précises non respectées (avec références légales ou contractuelles si possible) ;
- Les conséquences pour la copropriété ;
- Les actions attendues et un délai raisonnable pour les réaliser.
Une démarche factuelle, appuyée par le conseil syndical, est souvent plus efficace qu’un flot de reproches épars.
- Mobiliser l’assemblée générale
Si les manquements persistent :- Inscrire à l’ordre du jour un point de contrôle de la gestion du syndic ;
- Faire voter, si nécessaire, des résolutions de mise en demeure ou des demandes de compte-rendu détaillé ;
- Préparer éventuellement le lancement d’un appel d’offres pour changer de syndic.
L’AG reste l’organe de décision : sans elle, difficile de peser réellement.
- Envisager la révocation ou le changement de syndic
En cas de manquements graves ou répétés, l’AG peut :- Ne pas renouveler le mandat du syndic à son échéance ;
- Ou, en cas de faute grave, voter sa révocation anticipée (en prévoyant immédiatement un remplaçant).
Là encore, il est crucial de bien documenter les manquements pour éviter un contentieux.
- Recours judiciaires
En cas de préjudice pour la copropriété, une action en responsabilité contre le syndic peut être engagée, généralement après décision d’AG. C’est l’arme ultime, à manier avec prudence, mais qui reste possible lorsque les négligences du syndic ont causé un dommage financier ou matériel avéré.
Au final, un syndic ne devient tout-puissant que si les copropriétaires le laissent faire. En maîtrisant ses obligations légales et contractuelles, le conseil syndical retrouve son rôle : contrôler, alerter, proposer… et, si besoin, organiser l’alternance.
Ce n’est pas être « pénible » que d’exiger le respect des règles : c’est simplement protéger la copropriété, ses finances et la valeur de votre patrimoine commun. Et cela, personne ne le fera mieux que des copropriétaires informés et organisés.

