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Airbnb copropriété : droits, limitations et moyens d’action du conseil syndical face aux locations saisonnières

Airbnb copropriété : droits, limitations et moyens d’action du conseil syndical face aux locations saisonnières

Airbnb copropriété : droits, limitations et moyens d’action du conseil syndical face aux locations saisonnières

Les locations Airbnb et autres plateformes de courte durée se sont invitées dans la vie des copropriétés sans toujours frapper à la porte. Entre opportunité de revenus pour certains et nuisances pour d’autres, le conseil syndical se retrouve souvent en première ligne. Que peut-on réellement faire ? Où s’arrêtent les droits d’un copropriétaire qui loue “en meublé de tourisme” et où commencent ceux des voisins ? Et surtout : comment agir efficacement, sans se transformer en police privée de l’immeuble ?

Airbnb en copropriété : pourquoi ça pose problème ?

Sur le papier, louer son appartement quelques jours à des touristes paraît anodin. Dans la pratique, la répétition des locations de courte durée peut transformer un immeuble d’habitation en quasi-hôtel… sans la moindre concertation.

Les principales difficultés remontées par les conseils syndicaux sont souvent les mêmes :

À cela s’ajoutent des inquiétudes plus structurelles : augmentation du turn-over des occupants, perte de cohésion dans la copropriété, difficultés à tenir des assemblées générales sereines quand une partie de l’immeuble est devenue une activité commerciale déguisée.

Le rôle du conseil syndical est alors double : rappeler le cadre légal et réglementaire, puis organiser la réaction collective de la copropriété, de façon pragmatique.

Ce que dit la loi sur les locations type Airbnb

Avant de parler d’actions, il faut poser le décor juridique. Plusieurs textes encadrent les locations saisonnières, en fonction de la situation de l’immeuble, de la ville et de l’usage du lot.

1. Destination de l’immeuble et règlement de copropriété

Le règlement de copropriété fixe la “destination de l’immeuble” et autorise (ou limite) certains usages :

Un propriétaire ne peut pas faire n’importe quoi dans son lot, même s’il en est pleinement propriétaire : il doit respecter la destination de l’immeuble et les clauses du règlement de copropriété.

2. Changement d’usage du logement (surtout dans les grandes villes)

Dans les communes de plus de 200 000 habitants (et certaines agglomérations, comme Paris, Lyon, Marseille…), le Code de la construction et de l’habitation impose une autorisation de changement d’usage lorsqu’un logement est transformé en meublé de tourisme loué de manière répétée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.

En pratique :

Le conseil syndical n’est pas chargé de faire la police de la mairie, mais il peut rappeler ces obligations et, le cas échéant, alerter la collectivité en cas de dérives manifestes.

3. Meublé de tourisme, fiscalité et enregistrement

Dans de nombreuses communes, les meublés de tourisme doivent :

Ces éléments ne sont pas directement contrôlés par le conseil syndical, mais ils font partie du paysage juridique que tout copropriétaire “Airbnb” est censé connaître.

4. Troubles anormaux de voisinage

Indépendamment de l’usage du lot, toute location ne doit pas engendrer de trouble anormal de voisinage : bruit, insécurité, dégradations répétées, occupation abusive des parties communes…

C’est souvent par ce biais que les copropriétés attaquent les locations saisonnières abusives : l’activité en soi n’est pas toujours interdite, mais ses conséquences peuvent être sanctionnées.

Ce que peut (ou non) prévoir le règlement de copropriété

Le règlement de copropriété est la première arme – et parfois la seule – dont dispose la copropriété face à Airbnb.

1. Interdire les locations meublées de courte durée ?

Tout dépend du texte :

2. Modifier le règlement pour encadrer Airbnb

Une copropriété peut décider, en assemblée générale, de modifier son règlement pour :

Attention : il s’agit d’une modification de la destination de l’immeuble ou des droits des copropriétaires, qui nécessite en principe la double majorité de l’article 26 (voire l’unanimité dans certains cas sensibles). Le conseil syndical a un rôle clé pour préparer cette évolution, convaincre, et rédiger des résolutions juridiquement solides.

3. Règlement intérieur et vie quotidienne

Au-delà du règlement de copropriété, un règlement intérieur ou des décisions ponctuelles d’AG peuvent préciser des règles pratiques :

Ces mesures ne bloquent pas Airbnb, mais elles en limitent l’impact sur les autres occupants.

Les marges de manœuvre du conseil syndical

Le conseil syndical n’est ni juge, ni syndic, ni police municipale. Mais il dispose quand même de leviers très concrets pour encadrer les locations de courte durée dans l’immeuble.

1. Informer, rappeler, prévenir

Beaucoup de conflits naissent d’une simple ignorance des règles. Le conseil syndical peut :

2. Collecter des éléments factuels

En cas de litige sérieux, la clé est de sortir du “on dit” et de documenter les faits :

Ce travail de terrain permet ensuite au syndic ou à l’avocat de la copropriété d’agir sur des bases solides.

3. S’appuyer sur le syndic pour les mises en demeure

Le conseil syndical n’a pas de pouvoir de sanction directe. En revanche, il peut :

En pratique, une mise en demeure bien argumentée, qui montre que le conseil syndical ne laissera pas la situation pourrir, suffit parfois à calmer le jeu.

4. Proposer des actions en justice en AG

Si les nuisances persistent ou si un copropriétaire viole clairement la destination de l’immeuble, la copropriété peut :

Le conseil syndical a alors un rôle d’interface : il prépare le dossier, aide le syndic et l’avocat à comprendre la réalité du terrain, et fait le lien avec les copropriétaires pour maintenir le soutien au contentieux.

Outils pratiques pour encadrer les locations saisonnières

Entre le laxisme total et la guerre ouverte, il existe une voie médiane, faite d’organisation et de règles claires.

1. Élaborer une charte “location de courte durée”

La copropriété peut adopter, en AG, une charte à destination des bailleurs saisonniers, prévoyant par exemple :

Cette charte ne remplace pas le règlement de copropriété, mais elle le complète et donne un cadre clair aux loueurs de bonne foi.

2. Encadrer les dispositifs d’accès (badges, digicodes, clés)

Les problèmes de sécurité viennent souvent de là. La copropriété peut :

Le conseil syndical peut être force de proposition sur le choix des dispositifs, leur ergonomie et leur coût.

3. Mobiliser le gardien ou les prestataires

Quand la copropriété dispose d’un gardien, celui-ci est souvent le premier à voir les effets d’Airbnb. Il peut :

À défaut de gardien, certains prestataires (société de ménage, de maintenance de l’ascenseur, etc.) peuvent aussi apporter des informations utiles.

4. Réfléchir, avec prudence, à la vidéosurveillance

Dans certains contextes, l’installation de caméras dans les parties communes (halls, parkings, locaux vélos) peut permettre :

Mais la vidéosurveillance est très encadrée (respect de la vie privée, obligation d’information, délibération d’AG, durée de conservation des images). Le conseil syndical doit travailler avec le syndic et, si besoin, un professionnel pour rester dans les clous.

Cas concrets et stratégies de réponse

Quelques scénarios typiques illustrent les options du conseil syndical.

1. Le copropriétaire qui loue “un peu trop souvent”, mais sans nuisances graves

Il s’agit souvent d’un logement mis en location de manière répétée, mais avec des locataires relativement discrets.

Stratégie :

Objectif : garder un climat apaisé, sans laisser la situation se développer sans cadre.

2. Le “mini-hôtel” avec nuisances constantes

Plusieurs annonces en ligne, entrée-sortie à toute heure, fêtes régulières, boîtes aux lettres débordant de courriers administratifs, locataires qui se croient au club Med.

Stratégie :

Objectif : faire cesser l’activité para-hôtelière qui dénature l’immeuble et nuit à la tranquillité de tous.

3. La copropriété qui veut interdire purement et simplement Airbnb

Dans certains immeubles très résidentiels, les copropriétaires veulent verrouiller le sujet une bonne fois pour toutes.

Stratégie :

Objectif : sécuriser juridiquement l’immeuble et limiter à l’avenir les contentieux individuels.

Questions fréquentes en conseil syndical

Un copropriétaire peut-il louer sa résidence principale sur Airbnb ?

Oui, sous réserve de respecter le règlement de copropriété, la destination de l’immeuble, les règles municipales (déclaration, 120 jours par an dans certaines villes) et de ne pas créer de troubles anormaux. Le conseil syndical ne peut pas interdire ce que la loi autorise, mais peut agir en cas d’abus.

Peut-on mettre des amendes aux copropriétaires qui font du Airbnb ?

Le règlement de copropriété peut prévoir des pénalités pour non-respect de certaines obligations (article 10-1 de la loi de 1965), mais dans un cadre strict et après décision d’AG. On ne crée pas librement un “barème d’amendes Airbnb”. En pratique, l’arme principale reste l’action en justice pour faire cesser le trouble ou l’usage illicite.

Le conseil syndical peut-il contrôler les annonces Airbnb ?

Il peut bien sûr les consulter (elles sont publiques) et les conserver comme éléments de preuve. En revanche, il ne peut pas se substituer aux services fiscaux ou à la mairie pour sanctionner un défaut de déclaration ou un dépassement de quotas. Son rôle est de protéger l’intérêt collectif de la copropriété.

Que faire si le syndic refuse d’agir ?

Le conseil syndical peut :

Les locations Airbnb en copropriété ne sont pas un sujet anecdotique : elles touchent à la tranquillité, à la sécurité, à la valeur du bâti et à la cohésion des occupants. Le conseil syndical n’a peut-être pas tous les pouvoirs, mais il a un rôle central pour organiser la réaction de la copropriété : informer, cadrer, documenter, et, quand il le faut, pousser à l’action collective. Entre laisser-faire et blocage dogmatique, il y a une large marge d’action pour retrouver un équilibre acceptable entre droit individuel de louer son bien… et droit collectif de vivre dans un immeuble qui ne se transforme pas en hall de gare.

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